2.7.13

"Tintin Nyssen Chez les Musulmans"


Lettre ouverte d’un concitoyen verviétois de confession musulmane à M. Didier Nyssen,
Conseiller Communal PS,
Ancien Echevin de l’éducation,

Cher Monsieur Nyssen,

Je vous aime. Je vous adore. Votre récente lettre ouverte à vos
(c) SudPresse

 « concitoyens de confession musulmane » m’a profondément ému par sa justesse, par sa simplicité, par, oserais-je même, la rusticité de son argumentation.


On reconnaît aisément le pédagogue qui a passé le plus clair de sa vie à se dévouer à l’éducation de ses semblables.

Point de circonvolutions langagières, point de ce double langage prisé par les élites socialistes qui fait comprendre une chose à son électorat issu de la diversité tout en affirmant le contraire auprès de ses ouailles les plus vindicatives en matière de tolérance philosophique. Pas de fard, pas de faux-semblants.

Je salue votre courage – ou votre infinie arrogance ? – de donner à voir de manière aussi décomplexée et condescendante la claustration idéologique et intellectuelle dans laquelle s’est enfermée depuis trop longtemps la majorité de votre parti, vous empêchant de penser le monde d’aujourd’hui et d’en relever les défis.

Mon fils ayant réussi son CEB, je me suis rendu au grand théâtre pour assister à la remise solennelle de son diplôme, cérémonie dont vous étiez d’ailleurs l’un des acteurs. J’ai été particulièrement frappé – et heureux –  de constater à vue d’œil que les élèves issus de la diversité constituaient au moins la moitié – si ce n’est plus, faute de statistiques appropriées – de la promotion de cette année.

Le contraste n’en était que plus frappant de voir que, face à cette jeunesse diverse et bigarrée, sans complexe par rapport à sa propre diversité, ne se trouvait qu’un panel très « blanc » et post-quadra pour leur remettre leurs diplômes. Une image saisissante du contraste entre l’idéologie sous-jacente de cette laïcité particulière que vous revendiquez et la réalité de cette jeunesse déjà dans une autre représentation du monde. Un monde où les lignes de fracture ne sont pas entre qui porte le foulard, la kippa ou le patka et qui ne le porte pas, mais entre qui a accès au wifi et à un compte twitter ou pas, ou encore – vu la crise – qui peut partir en vacances au-delà des collines de Verviers ou pas.

En deux mots, vous avez raté le train de l’histoire en restant coincé dans un combat du siècle dernier pour la décléricalisation de la société. Si ce combat fut méritoire et utile pour créer un magnifique espace de liberté dont nous jouissons tous aujourd’hui, vouloir lui amalgamer la question des signes convictionnels au sein de nos société sécularisée est simplement anachronique et démontre une grande pauvreté d’analyse des dynamiques à l’œuvre dans nos sociétés depuis les années 70. Il est urgent de faire une mise à jour de votre logiciel de référence.

Ainsi, votre lettre regorge de perles mettant en valeur votre condescendance, votre paternalisme et votre satisfaction de soi. En voici quelques unes pour la route, où je vous cite en assortissant vos propos de quelques commentaires du cru :

a)    « Comme vous pouvez l’imaginer, il ne s’agissait pas pour nous de danser comme siffle le MR, mais bien de donner un signe fort des limites que nous imposent nos convictions laïques quant à la présence des phénomènes religieux dans la sphère publique. » 

Merci de reconnaître enfin que votre combat est purement idéologique et qu’il ne relève pas d’un état de nature de la société belge. En quelques mots, ce sont « vos convictions laïques » contre les convictions de vos concitoyens musulmans. Il s’agit bien là d’un rapport de force, rien de plus.
Je vous remercie au passage de faire main basse sur la revendication de « laïcité ». Peut-être vous apprendrais-je qu’il n’y a pas qu’une seule façon de comprendre la laïcité et qu’existent d’autres approches, tout aussi laïques que la vôtre, mais bien moins exclusivistes. Enfin, je souhaiterais vous informer que l’école ne fait pas partie, à proprement parler, de la « sphère publique » comme vous semblez le considérer. L’école est un espace public, nuance de taille, mais qui semble vous échapper.

b)    « L’histoire de l’Europe depuis la Révolution française, comme celle des mouvements progressistes, nous enseignent que la séparation des églises et de l’état reste le meilleur gage de la cohabitation pacifique entre les différents courants philosophiques qui partagent un même territoire. »
Comme vous y allez ! Quelle soupe ! Juste une petite piqûre de rappel à propos de l’histoire de l’Europe : il n’y pas de séparation de l’église et de l’état en Angleterre, au Danemark et en Suède pour ne citer que ces pays. A ma connaissance, ils ne sont pas à feu et à sang. Verviers n’est pas le centre du monde Mr Nyssen !
Si je vous rejoins tout à fait sur les bénéfices d’une séparation claire de l’église et de l’Etat, expliquez-moi cependant comment vous passez du principe d’une séparation de l’église et de l’Etat au fait d’exclure les signes « ostentatoires » de l’école. Les signes ne sont, ni ne représentent des églises et une salle de classe n’est pas l’Etat mais un espace public organisé par l’Etat. Enfin, on parle de séparation de l’église, en tant que structure de pouvoir et organisation sociale, et de l’Etat, et non de séparation de la religion et de l’Etat. Manifestement, votre longue carrière dans le noble effort de vulgarisation des connaissances vous a amené à confondre vulgarisation et simplisme.
c)    « Croire que les convictions religieuses peuvent être brandies comme autant d’étendards qui indiqueraient la manière d’organiser nos sociétés civiles constituerait une position archaïque, démentie par l’Histoire. Pour nous, Belges de toutes convictions, la séparation des pouvoirs et la neutralité de l’état sont des principes inscrits dans la Constitution. »
Quel souffle ! Mais de quoi parle-t-on ? D’une contre-révolution conservatrice en marche ? Calmez-vous Mr Nyssen, il ne s’agit que de quelques foulards ! Descendez de vos grands chevaux dignes du temps des colonies.
Jusqu’au jour d’aujourd’hui, en dehors de quelques pays européens, l’Histoire n’a nullement démenti le potentiel organisateur des convictions religieuses quand il s’agit de faire société. Les Etats-Unis en sont un brillant exemple dont vous feriez bien de prendre graine, au lieu de vous ériger en donneur de leçon en matière d’archaïsme ou de modernité. Quant à ce « nous, Belges de toutes convictions », vous y faites rentrer qui exactement ? Je me questionne encore comment une personne aussi sensible que vous à la nécessité du vivre ensemble, a pu se rabaisser à utiliser un langage aussi polarisant. Une véritable éloge au communautarisme de la majorité, au communautarisme blanc, essentialisant l’autre dans son statut d’Autre, d’étranger, du non-nous. Merci pour votre violence. Si les mots tuent, celui-ci, sous votre plume, vient de faire un sérieux carnage. Faut-il comprendre que les musulmans sont d’office « non-belges » ? Merci de nous « dés-intégrer » alors que nous faisons partie intégrante de la communauté nationale !
d)    « Remettre cela en cause en s’arc-boutant à un symbole favoriserait la montée des positions les plus dures dans des revendications antagonistes qui ne pourront de toute façon pas être satisfaites… Le bien vivre ensemble passe inévitablement par des concessions qui ne peuvent pas être à sens unique. »
Je reste pantois devant une cécité telle que la vôtre. Vous reprochez à certains musulmans de s’arc-bouter à un symbole. Si cela est incontestable, il n’en reste pas moins que vous vous arc-boutez pareillement sur le même symbole pour partir dans la direction opposée. Cet effet miroir est saisissant – et troublant. D’autant que vous concluez votre paragraphe sur la nécessité de concessions réciproques pour favoriser le vivre ensemble. Si je ne peux être plus d’accord avec vous sur ce point, ce dernier devient une supercherie dans votre lettre. Mais quelles concessions l’enseignement communal a-t-il fait Mr Nyssen en matière de diversité, sous votre propre houlette ou celle de vos prédécesseurs ? Aucune approche de la diversité dans les écoles communales alors que tant de choses seraient à faire avec les tous petits ; aucune reconnaissance des fêtes culturelles des communautés qui composent la mosaïque verviétoise, alors que certaines communautés d’origine non européenne sont présentes depuis plus d’un demi-siècle !!! Quasi aucun enseignant issu de la diversité au sein du personnel communal, alors que Verviers est une « minority-majority city » depuis bien longtemps ; aucune politique collective en matière de cantine adaptée, de la prononciation correcte des prénoms des enfants, de prise en compte des jours de fêtes religieuses des différentes communautés ; aucun cours de mise à niveau en français pour les jeunes étrangers qui débarquent dans nos classes… Et je pourrais encore continuer la liste longtemps ! Le sens unique, il existe bel et bien, Mr Nyssen, mais pas dans le sens de « votre » côté vers les communautés de la diversité, mais dans le sens inverse, alors que tous ces gens contribuent pareillement à la richesse de notre ville, travaillent, et payent des impôts. Que dire encore de cette initiative de visite des lieux de culte verviétois portée par vos enseignants que vous auriez apparemment sabordée ?
Osez donc détailler publiquement, au-delà de votre slogan à l’emporte-pièce, les actions « diversité » entreprises par la ville en matière d’enseignement qui justifieraient votre perception d’un « sens unique ».
e)    « A ceux-là, je demande que leur lecture du Coran mettent en avant le respect de tout être humain quelle que soit sa religion »
Outre votre saillie par laquelle vous rendez les musulmans responsables de la montée de l’islamophobie faute de suffisamment combattre les islamistes – un poncif de l’islamophobie de gauche – voici certainement la perle des perles de votre lettre ouverte. Là, je vous tire mon chapeau bien bas. Clore un cours magistral sur la séparation de l’église et de l’Etat comme valeur clé de la belgitude, en nous gratifiant, en tant que CONSEILLER COMMUNAL, de tuyaux sur la façon de lire et de comprendre le Coran, il fallait oser le faire. En bref, la séparation de l’église et de l’Etat n’est qu’un élément de langage auquel vous ne croyez pas une seconde, puisque vous n’hésitez pas vous-mêmes à faire intervenir la religion, voire pire, à intervenir dans la religion de vos concitoyens pour parvenir à vos fins politiques.
Ayez la décence de garder vos leçons pour vous, Mr Nyssen. Votre lettre ouverte s’inscrit dans cet interminable chant du cygne de cette gauche paternaliste et bêtement anticléricale au sein de laquelle vous semblez vous complaire. Au lieu de tirer les leçons de manière digne et informée de votre déconfiture électorale, vous persistez dans l’approche aigrie et revancharde qui vous a conduits où vous êtes aujourd’hui. Je ne peux que déplorer ce gâchis d’intelligence et d’expérience qui s’interdit de penser une gauche pluraliste, ouverte et inclusive qui sait faire Belgique de tout bois pour un meilleur avenir pour tous.
A l’heure où la ville de Gand, qui s’enorgueillit, elle, d’être une Ville active contre le racisme, choisit de mettre en pratique une approche progressiste et inclusive de la plus grande diversité, votre décision d’interdire les signes religieux dans l’espace public n’en paraît que plus myope, rabougrie et déconnectée du réel.
Oui, une autre gauche, confiante, créatrice et volontariste est possible. Manifestement, ce n’est pas celle de votre choix.
Si d’aventure, cette expérience vous amenait à délaisser la vie politique faute d’en saisir encore les enjeux, sachez que nous serions heureux de vous accueillir pour une carrière de moufti. Vous semblez avoir des prédispositions.

Sincèrement vôtre,
 Michael Privot
Post-scriptum : l’auteur de ces lignes s’oppose sans hésitation aucune au port du foulard pour les élèves de l’enseignement primaire. Il s’élève contre l’argumentaire de Mr Nyssen qui articule une interdiction généralisée des signes convictionnels dans la sphère publique – ce que nous ne pouvons accepter au nom des principes d’égalité et de non-discrimination. 

16.3.13

Di Rupo, Reynders et François Ier: à quand la fin de l’hypocrisie?


Comme je le faisais remarquer dans un précédent post, nous vivons une époque formidable. Chaque jour, des masques tombent, l’actualité dévoile les contradictions des puissant(e)s, les écarts de plus en plus faramineux entre leurs discours et leurs actes, ou encore le cumul de leurs impensés ou de leurs impensables.

Dernière en date: M. Le Premier Ministre Di Rupo (PS), M. Le Ministre des Affaires Etrangères Reynders (MR) et le M. le Ministre de la Défense De Crem (CD&V) vont être les bagages accompagnés du couple royal pour assister à l’intronisation du Pape François Ier à Rome ce mardi 19 mars 2013.

Et…. Rien! Pas de réactions audibles ni visibles du côté de la laïcité instituée. Rien non plus du côté de Mme Nadia Geerts (ni ici), pourtant vaillante combattante laïque et républicaine sur bien d’autres fronts… Suis-je le seul à être éveillé ? Pincez-moi !

Faut-il croire que la soirée d’intronisation sur la RTBF, et la Première en particulier, aurait anesthésié tout le monde ? Comprenons-nous bien: il est tout à fait normal qu’une radio de service public supposément neutre informe la population sur cet événement important pour le monde, certes, mais aussi pour la communauté catholique de notre pays. Mais de là à en faire un plat pareil (près de 2h d’émission non stop), qui plus est, mené de main de maître par M. Eddy Caekelberghs, premier Grand Maître adjoint du Grand Orient de Belgique, que l’on a déjà connu beaucoup plus incisif sur les questions de neutralité du service public, là c’était vraiment too much!!

Surtout si l’on compare cela au temps d’antenne réservé à l’élection des plus hauts représentants d’autres religions, comme celle, récente, du grand mufti d’al-Azhar, Shawki Ibrahim Abdel-Karim, une des figures les plus importantes de l’islam sunnite mondial, y compris en Belgique. A peine quelques minutes. Et encore, j’exagère.

Alors, la cerise sur la gâteau de ce monument de neutralité à 6 vitesses ou 6 poids 6 mesures que nous avons connu cette semaine, c’est bien la présence de Di Rupo – Reynders – De Crem à l’intronisation de François Ier.

Que le Roi et la Reine y assistent soit. Discutable, mais ce sont des aficionados. On peut encore admettre une division des rôles! Mais que le Premier et deux Vice-Premiers, élus du peuple, dans un Etat supposément neutre, assistent à une cérémonie religieuse (l’intronisation du Pape), c’est absolument inacceptable et en totale rupture avec l’exigence de neutralité de leur fonction. Espérons qu’ils ne s’agenouilleront pour baiser l’anneau papal !

A titre d’exemple inverse: combien de représentants officiels de l’Etat belge (et qui, précisément?), ont assisté à la cérémonie d’investiture de Mme Merkel, de M. Obama, de M. Hollande ou encore de M. Xi Jin Ping? Pourtant, notre balance commerciale avec chacun de ces pays excède certainement celle de la Belgique avec le Vatican. Et que l’on ne me sorte pas la rengaine voulant que le Pape est un chef d’Etat, blablabla et qu’il n’y aurait pas de rupture de la neutralité. Tout ça, c’est du pipeau pour éviter de regarder la réalité en face.

L’hypocrisie est d’autant plus forte à l’aune des discours incessants du PS et du MR en particulier – et surtout de M. Reynders, Hypocrite Ier – sur la neutralité de l’Etat, de l’école maternelle au plus haut niveau de l’Etat en passant par les conseils communaux et les parlements dès qu’il est question d’un bout de tissu.

Deux poids, deux mesures. Plus flagrant que ça tu meurs. Et pourtant, tout ronronne comme si de rien n’était. Oui vraiment, plus que de neutralité, il est question ici de catho-laïcité, voire de catho-neutralité (pour l’adaptation au contexte belge).

Laïcs de toutes convictions, réveillez-vous ! Ou c’est la même chose pour tout le monde, ou rien pour personne. Or ici, on constate encore une fois que tout est bon pour une conviction particulière, alors que les autres sont vouées aux gémonies. Mais de quelle neutralité parle-t-on en Belgique ?

5.2.13

Le quadra+ hétéro blanc: maître du monde


De temps en temps, l’actualité a le don de mettre à nu les présupposés implicites du discours majoritaire sur la diversité et de révéler l’ampleur de ses contradictions, trop souvent assumées avec un aplomb et une assurance de soi qui laissent sans voix les partisans d’un monde libre, pluriel et égalitaire.

Il y a quelques jours, le Bourgmestre d’Anvers Bart De Wever (NVA) a défrayé la chronique en annonçant qu’il veillerait scrupuleusement à la neutralité des services communaux. Désormais, les fonctionnaires communaux ne pourront afficher une quelconque appartenance à une religion, un parti politique ni encore au militantisme gay.

Tempête politico-méditatique de bon ton : Bart De Wever serait-il homophobe ? Comment ose-t-il mettre sur le même pied religion (choisie), convictions politiques (choisies) et orientation sexuelle (innée) ?

Le cadrage du débat selon ces termes révèle l’emprise des quadras (et plus âgés) hétéros blancs sur l’ensemble des questions de diversité. Je dis quadras, car les trentenaires pensent déjà le monde selon un paradigme différent, pour ne pas parler des générations suivantes auxquelles les quadras et autres quinquas au pouvoir essayent d’imposer leurs catégories mentales issues d’une autre époque !

En effet, l’identité d’un individu est un tout, composé de différentes facettes ou couches, qui interagissent en permanence entre elles mais aussi avec l’environnement extérieur, institutionnel, personnel, organisationnel, culturel…

Pour le dire autrement, nous mobilisons, composons ou recomposons constamment différentes facettes de notre identité dans nos interactions quotidiennes avec notre environnement. En famille, au travail, dans notre congrégation religieuse ou notre club de whist, nous ne mobilisons pas le même ensemble d’éléments de notre identité car nous devons nous faire connaître, être reconnus et appréciés de manières différentes par des publics différents. De même au sein de chacun de ces contextes, nous ne mobiliserons pas constamment le même ensemble de facettes, en fonction des personnes très concrètes avec lesquelles nous interagissons, en fonction du lieu, du moment de la journée…

Chacune de ces facettes nous constitue et ne peut être dissociée des autres, ni véritablement hiérarchisée. Toutes sont NOUS, toutes nous définissent.

En ce sens, des critères tels que l’inné (la couleur, l’orientation sexuelle) ou l’acquis (religion, conviction politique) pour hiérarchiser des constituants essentiels de l’identité sont purement factices et arbitraires et relèvent d’une profonde méconnaissance des dynamiques propres à l’identité et à la construction identitaire.

Pour ne rien dire non plus du fait que l’on peut aujourd’hui changer de sexe, de genre, d’orientation sexuelle, passer du statut de valide à celui d’handicapé (et vice-versa), de jeune à plus âgé, de couleur de peau, de morphologie, de poids… chaque élément constitutif de notre identité pouvant devenir autant « acquis » que la religion ou les convictions politiques.

Ignorer cela, c’est typique du quadra+ hétéro blanc en fonction duquel notre monde à été historiquement normé et qui n’a jamais eu à se demander quelle facette de son identité il allait devoir compromettre ou négocier pour avancer dans sa vie, avoir un job, un appartement ou des bonnes notes à l’école !

De là, ces débats ad nauseam sur le foulard et la visibilité de l’islam et autres convictions religieuses.

Nous avons ainsi assisté ces derniers jours à l’étalement au grand jour des contradictions ahurissantes dans le chef de celles et ceux qui s’étranglent à la proposition de Bart De Wever, mais soutiennent sans sourcilier, dans le même temps, l’interdiction faite à tout fonctionnaire de montrer le moindre signe d’affiliation religieuse ou politique.

En ce sens, même si je récuse tout à fait son approche, Bart De Wever a au moins le mérite de la cohérence. Un fonctionnaire neutre, véritablement neutre, ne doit pas montrer le moindre signe d’affiliation ou de différence par rapport à l’usager idéal, tel qu’il est représenté « en creux » dans le débat public – transparent (blanc), sans sexe, sans religion, sans âge, sans orientation sexuelle ni convictions politiques. Tout le contraire du vrai monde.

La position de De Wever et le débat qu’il a suscité montrent crument toute l’inanité du débat sur la neutralité de l’apparence des agents des services publics : poussé à l’extrême, cela requerrait que les fonctionnaires portent des masques, des vêtements amples et que leurs voix soient brouillées de telles sortes que l’on ne puisse distinguer leur genre, leur âge ou encore la couleur de leur peau. En vérité, le fonctionnaire idéal, pour ceux qui soutiennent le principe de la neutralité de son apparence, c’est une machine.

Car si on les prend au mot : le sexe, l’âge, le handicap, la validité, le phénotype… du fonctionnaire peuvent tous introduire des biais dans leur relation avec l’usager. Il conviendrait donc de les neutraliser également.

On se rend compte tout de suite de l’impasse de cette proposition – pourtant conséquence logique du principe de neutralité.

L’autre option serait de reconnaître – enfin – que tant les fonctionnaires que les usagers sont des êtres humains dans leur infinie diversité et que celle-ci doit pouvoir s’exprimer tant qu’elle ne viole pas pas les Droits de l’homme, tels que codifiés dans les différents instruments ratifiés par la Belgique.

Bien sûr, cela va à l’encontre de la conception fordiste dominante des services publics pour introduire le « sur mesure », l’humanisme et le respect de l’identité de chacun(e). Or c’est absolument faisable et il y a moyen de réduire les biais : il suffirait d’appliquer véritablement l’arsenal législatif dont nous disposons en matière d’anti-discrimination et d’égalité des chances et mettre en place des recours effectifs contre l’arbitraire mesquin de certains fonctionnaires.  Tout usager qui se sentirait discriminé ou mal traité par ces fonctionnaires aurait alors à sa disposition des moyens de recours rapides et efficaces.

Depuis des siècles, on répète que l’habit ne fait pas le moine. En dépit d’une sécularisation intense, ce proverbe n’a pas encore percé la morgue des services publics. Ce que veulent les citoyens, ce ne sont pas des fonctionnaires normés, transparents, prétendument neutres et interchangeables. Ils veulent des vrais gens qui répondent avec compétence, sympathie, bienveillance et amabilité à leurs besoins.

Il est politiquement plus facile, malheureusement, d’interdire un turban sikh, une cravate rouge ou T-shirt arc-en-ciel plutôt que de changer en profondeur la façon dont sont organisés les « services » publics. La neutralité n’est qu’un des cache-sexes de la résistance au changement et du maintien des privilèges de certain(e)s.

Michael Privot

17.1.13

17 janvier 2013: Jour I, An I de la guerre contre les pauvres

Il y a des jours, comme ça, où l'on n'a pas envie de faire dans la dentelle...


Nouvelle sortie médiatique pour le leader MR de Verviers, nouveau président du CPAS: les personnes d'origine étrangère refusant de suivre des cours de français verront leurs allocations de survie suspendues.


L'Obersturmführer Breuwer, en politique aguerri, a compris qu'il fallait marquer directement son territoire en prenant ses nouvelles fonctions. C'est fait: comme nous l'avions prédit, le bain de sang social sera la marque de fabrique de la majorité MR-CdH pour les 6 prochaines années. Sus aux pauvres, sus aux étrangers!


Il n'aura pas fallu attendre un mois pour que - en toute bonne logique populiste de droite - on commence le sale boulot en s'attaquant aux étrangers (profiteurs, qui touchent les aides sociales sans même vouloir apprendre le français!). Dixit. Car bien sûr, aucune enquête n'a été menée auprès des intéressés sur les raisons de leur non suivi des cours. Bien sûr, il ne faut y voir là aucune volonté de stigmatisation. Autant commencer par le maillon le plus faible de la chaîne.



La palme de l'hypocrisie doit cependant être décernée au Bourgmestre Marc Elsen qui (version optimiste) continue sa descente aux enfers des compromis éthiques, ou (version pessimiste) ne fait que révéler le fond de sa conception de la vie en commun.



Nous avions été beaucoup a être consternés par ses prises de positions et retournements de veste sur l'affaire de la conseillère du CPAS voilée Layla Azzouzi - encore que, son louvoiement permanent sur la question du foulard depuis une décennie au moins était un indice de ses positionnements futurs.



Le fait qu'il puisse soutenir aujourd'hui la politique de M. Breuwer en insistant sur l'intégration nécessaire des nouveaux arrivants (ce que personne ne conteste) en faisant semblant de ne pas voir le background idéologique ainsi que les conséquences de cette décision, est tout simplement pitoyable.



Dans une société humaniste (pour ne pas dire progressiste, ce serait ici une insulte), cher M. Elsen, on fait évoluer les mentalités et comportements - pour utiliser des formulations qui vous sont (étaient?) chères - par l'incitation, la motivation, et non à coups de trique, de rétorsions et de punitions.



Rien que ce déplacement des idéaux politiques au sein du CdH montre l'avilissement moral en train de gagner le parti pour se maintenir au pouvoir.



Cher M. Eslen, je vous conseille un abonnement "premium" à la vaseline pour tenir les 6 prochaines années.



Je suppose également que vous avez retourné votre crucifix avant votre épouvantable interview passé à la RTBF justifiant la mesure de votre partenaire de majorité... "Que Dieu leur pardonne. Ils ne savent pas ce qu'ils font." Espérons-le.



Morale de l'histoire: on croit souvent que les sociétés basculent dans la barbarie totalitaire suite à un saut qualitatif et quantitatif de grande ampleur. Comme si la population se réveillait un matin prise d'un accès fièvre fascisante l'amenant à la violence envers ses minorités ou les plus faibles. L'histoire démontre que c'est tout le contraire: le climat totalitaire, xénophobe, s'installe petit à petit. Par des petites phrases, des mesures de peu d'importance, stigmatisant un groupe particulier, trop faible pour se lever et manifester. Puis le basculement a lieu, subrepticement, après une longue période d'incubation. 



Alors, oui, ça fait peur et ça donne à réfléchir que des associations travaillant à l'alphabétisation de nos semblables "balancent" leurs listes d'inscrits à des autorités - sans remord. D'autres l'ont fait, en d'autres temps. Et ont trouvé des tas de bonnes justifications pour le faire. Honte sur eux! Probablement. Et pour ceux d'aujourd'hui, quid?



Toutes mes félicitations à l'asbl "Lire et Ecrire" de Verviers qui n'a pas cédé aux intimidations de l'Ostuf. Breuwer. Tenez bon les gars! Total respect!



Michael Privot

#2 : Claquer la bise, serrer la main - quand mon paradis dépend de la façon dont je te dis bonjour

Cette pratique, peu connue il y a encore une trentaine d’années au sein des communautés musulmanes, s’est répandue dans les milieux conserva...