20.9.09

Commission des Sages 2004 - retour sur le contexte international


Le contexte: Lors des travaux de la Commission des Sages (voir post précédent), certaines questions avaient été posées à propos de l'impact des événements internationaux sur la lecture des situations sociales et politiques belges. Par exemple, analyser le port du foulard par de jeunes citoyennes belges de confession musulmane à l'aune des excès - condamnables - de la révolution iranienne. Une telle approche n'a aucune valeur heuristique, mais elle est largement répandue, y compris chez nombre d'intellectuels. En réaction, Mlle Fadil et moi-même avions proposé une note de minorité tentant, à nouveau, de recentrer le débat sur ces enjeux essentiels.



RÉFLEXIONS SUR LE CONTEXTE INTERNATIONAL ET

LE NÉCESSAIRE RETOUR DU POLITIQUE



Présentées par N. Fadil et M. Privot



Il est évident que depuis longtemps déjà la politique nationale d’un état est en partie liée et déterminée par le contexte international. L’accélération des processus de globalisation n’a fait qu’accentuer cette interdépendance, rendant la gestion d’une collectivité nationale, voire même locale, de plus en plus complexe.


Les problématiques qui ont été abordées par la Commission au cours de l’élaboration de ce rapport ne peuvent donc être abstraites du contexte particulier, national et international, qui est le nôtre, contexte qui lui-même fut à l’origine de la création de cette même Commission.


Bien que nous reconnaissions aux politiques la difficulté de la tâche qui leur incombe, il faut cependant admettre que la déception vis-à-vis du politique provient essentiellement de son renoncement résigné à une partie de sa capacité d’action. A l’heure où chacun claironne la toute puissance d’un monde économique imposant sa volonté à tout état et la démission conséquente d’un monde politique convaincu de son impuissance, nous tenons à rappeler que le monde politique n’a paradoxalement jamais été aussi puissant qu’aujourd’hui car il est le seul apte à prendre les décisions allant dans le sens des intérêts économiques de certains groupes ou individus.


A l’heure du désenchantement vis-à-vis du monde politique, il est urgent que celui-ci reprenne la main et ait le courage de faire évoluer les événements dans une autre direction moins catastrophique pour l’avenir de l’humanité.


Car, s’il est ici question de précarité sociale, de chômage ou d’exclusion, pour des causes identiques, il est question ailleurs de massacres, de viols, de pauvreté extrême, de torture, de révolte, de terrorisme et d’attentats…


C’est en cela que la réflexion de la Commission est fondamentale : essayer d’échapper à une vision parcellaire de la réalité qui la rend incompréhensible.


S’il est vrai que la dimension religieuse ou culturelle des conflits semble devenir prépondérante, il convient de raison garder et d’éviter le surinvestissement culturel ou religieux de problématiques essentiellement économiques, nationalistes ou géopolitiques, car cela ne fait qu’empêcher toute tentative de compréhension mutuelle et de rapprochement. Analyser les causes profondes des crises actuelles, au-delà des éructations très médiatiques et médiatisées des « intégristes de complaisance » de tous bords, est une étape indispensable dans la gestion saine de la chose publique. Malheureusement, beaucoup de nos contemporains en font l’économie, au profit de manipulateurs d’opinions professionnels.


Tourner le dos à l’histoire, tenter à tout prix de négliger les conséquences des politiques expansionnistes et colonialistes passées avec le lot de déstructurations sociales, culturelles et identitaires qu’elles ont laissé dans leur sillage est certes une des causes les plus évidentes du désordre mondial actuel.


Face à la sauvagerie multiforme qui cherche à dominer sur les logiques de coopération, de partage, de solidarité, d’éthique, de justice, de respect et d’Etat de droit (par exemple : violence de l’économie ultra-libérale, d’un terrorisme sans autre horizon que la perpétuation de sa propre existence, des individualismes national, communautaire, corporatiste, commercial et personnel hypertrophiés,…), il est urgent qu’une attention toute particulière soit accordée aux projets impliquant des partenariats multiples et variés, nationaux et internationaux : Millenium goals, éradication de la pauvreté, promotion sans faille et respect non hypocrite des Droits de l’Homme, chez soi, comme ailleurs, éthique dans les échanges commerciaux, culturels et diplomatiques, protection active des plus faibles et des minorités, politiques environnementales fortes, éducation globale accessible pour tous, accès à l’eau et aux soins de santés minimums pour tous, lutte contre toute forme de racisme et de discrimination, gestion des flux financiers… le programme est vaste et sans solution miracle. Tout doit être abordé avec une égale attention.


Dans cette optique, il est impératif que la Belgique travaille au renforcement des institutions internationales en ayant également pour objectif d’augmenter la représentation des pays en voie de développement ou émergeants, majoritaires sur la planète, mais marginalisés en termes de poids politique et de prise de décision à l’échelle internationale.


De la même manière, on ne fait pas le bonheur de peuples à l’encontre de leur avis. Les principes démocratiques ne souffrent pas d’exception et l’on conçoit mal au nom de quelle logique ce qui est facteur de progrès au Nord de la Méditerranée deviendrait subitement une denrée interdite et dangereuse au Sud de celle-ci ou en d’autres régions du monde. Les expériences malheureuses de certains pays nous montrent aujourd’hui la vanité des doubles standards quand des peuples ont la ferme volonté de changer des régimes établis injustes et tyranniques. On ne peut décemment exiger la démocratie au Nord, pendant que l’on pactise avec les tortionnaires de tous bords au Sud sous prétexte d’arguments économiques et stratégiques, voire de contenir d’autres supposés périls.


Il est donc plus que temps que le politique revienne en force et reprenne la place qui est la sienne. On ne peut continuer à soutenir le commerce des armes ou favoriser l’appauvrissement des peuples pour ensuite larmoyer sur les implications des flux migratoires.


La situation mondiale est complexe et demande des femmes et des hommes à la hauteur de ces défis. Ils existent et sont prêts à prendre, ou prennent déjà, leurs responsabilités. Nous ne leur proposerons pas ici de solution miracle, mais de faire en sorte de réintroduire dans la politique la nécessité de principes éthiques ainsi que d’une cohérence forte entre les idéaux et la pratique, tout en étant véritablement ouvert à l’Autre, en sachant aller au-delà de ses propres a priori pour comprendre son langage et son discours dans un monde globalisé mais faussement uniformisé.


Sans quoi les perspectives d’avenir s’annoncent bien sombres et la théorie du choc des civilisations finira par s’imposer dans la pratique, portée et soutenue par tous les chantres radicaux de l’affrontement et du rejet inconditionnels de l’Autre. Ils ne sont pas légions, mais ils sont déterminés. A nous tous de choisir ici, en espérant servir de modèle pour ailleurs, la voie du respect mutuel, de l’écoute, du partage, de la solidarité, du dialogue franc et véritable, avec toutes les composantes de notre société (celles que l’on apprécie et celles que l’on apprécie moins) pour édifier la société meilleure dont notre monde à cruellement besoin. Il est temps que l’inclusion prenne le pas sur l’exclusion, le respect sur le rejet, et la cohésion sur la désintégration. La paix est à ce prix.

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