La tentative
d’analyse que nous avons proposée à propos des résultats
des partis politiques lors des dernières élections communales à Verviers ne
suffit pas à rendre compte de l’ensemble des éléments que ces dernières ont mis
à jour. Je propose ici quelques points supplémentaires.
2) Les résultats des candidats
Je vais à nouveau
me focaliser sur la liste du PS, non pas que cela tourne à l’obsession envers
ce parti, mais c’est cette dernière qui a cristallisé le plus grand nombre
d’enjeux, en terme de diversité comme je l’ai montré dans ma première note,
mais aussi en terme de mobilité des candidats. Et c’est également la liste qui
fut le plus scrutée et disputée par les autres partis eux-mêmes vu son
originalité et son ouverture. Les précurseurs n’ont jamais eu la vie facile –
c’est un truisme.
Commençons tout
d’abord par fermer des portes : si le PS a perdu des voix, ce n’est pas à
cause de la diversité de sa liste.
En effet, lorsque
l’on analyse le score
individuel des candidats PS, chacun pourra constater que, par rapport aux
élections communales de 2006, à une ou deux exceptions près, ce sont les seuls
candidats de la diversité qui ont sensiblement améliorés leurs scores
personnels en terme de voix de préférence.
Les caciques du
PS local n’ont pas manqué de le relever également, engageant une féroce
bataille en interne sur qui aurait fait ou non proprement son travail de
« reach out » envers les électeurs. S’il est toujours bon de se poser
de telles questions à la suite d’une défaite, les réponses qu’on y apporte
peuvent avoir des implications très différentes (il est par ailleurs étonnant
que l’incompétence personnelle ne soit jamais évoquée, et pourtant il y a des
exemples !).
Dès lors, ma conclusion :
s’il était vrai que la diversité de la liste eût posé problème à l’électeur
blanc moyen du PS, les candidats de la diversité n’auraient pas engrangés de
tels scores personnels et auraient été désavoués purement et simplement – or ce
n’est pas le cas. Y compris pour Hasan Aydin (1600 voix) et Malik Ben Achour
(1150 voix) qui avaient finalement obtenus des postes d’échevins suite à des remaniements
internes au cours du présent mandat.
Ces deux derniers
ont donc eu l’occasion, comme les autres échevins, d’être confrontés à l’usure
du pouvoir (fût-elle légère), aux nécessités des compromis qui peuvent aliéner
une base électorale spécifique, à la nécessité de
« penser global », à savoir prendre en compte tous les citoyens
et pas seulement son petit groupe d’électeurs… Or au bout d’un tel défi, ils
sortent grandis avec une amélioration moyenne de leur score personnel de +/- 200%,
largement au-delà des mille voix de préférence – sachant qu’il suffit d’un peu
plus de 300 voix pour être élu sur certaines listes.
Un phénomène
similaire est constaté pour Hajib El-Hajjaji, mis en ordre non éligible chez
Ecolo à la Province, mais qui a fait le meilleur score de la liste avec 1600
voix de préférence.
De tels scores ne
peuvent s’expliquer que parce que ces jeunes candidats ont pu largement
dépasser le cercle communautaire de base qui leur avait mis le pied à l’étrier
en 2006 et s’adresser à l’ensemble des communautés et publics présents sur la
commune.
D’autres
candidat(e)s de la diversité ont également connu des progressions, mais de
moindre ampleur, qui laissent à penser que leur électorat repose encore
essentiellement sur leur communauté d’origine, même s’ils arrivent probablement
à grappiller des voix dans d’autres communautés du fait de leur exposition
publique depuis 2006.
En comparaison, à
part quelques défaites cuisantes (Desama, Targnion, Dupuis), les candidats de
la communauté majoritaire restent plus ou moins stables en terme de voix de
préférences ou connaissent un léger tassement. Cela prouve qu’ils n’ont pas été
en mesure d’aller chercher des électeurs au-delà de leurs cercles de supporters
habituels (famille, amis, collègues, militants).
Il existe
certainement des statistiques à ce propos (appel
aux lecteurs : si vous avez des infos sur de telles études, notifiez-les
en commentaire svp), mais je suppose qu’en dessous de 500 voix de
préférence, les candidats se reposent sur une base communautaire quelle qu’elle
soit (quartier, village, famille, amis des amis…). Au-delà de tels scores, cela
démontrerait sans aucun doute la capacité des candidats à aller chercher des
soutiens et à convaincre des électeurs bien au-delà de leurs 2 ou 3 premiers
cercles de connaissances pour utiliser une analogie type « Linked
In ».
En bref, on peut
constater chez les candidats de la diversité, en particulier Aydin, Ben Achour
et El-Hajjaji, l’avantage indéniable de maîtriser des compétences
interculturelles : la capacité d’adaptation à différents auditoires, aux
différences culturelles, à comprendre et gérer des référents culturels variés,
relevant tant de la communauté majoritaire que des communautés minoritaires. Et
ce n’est pas étonnant ! Etant sans cesse soumis à l’injonction
contradictoire de leurs partis respectifs d’être le relais avec leurs
communautés d’origine tout en ne pouvant jamais agir au nom de ces dernières
sous peine d’être taxés de communautaristes, ils n’ont d’autre choix que de
s’ouvrir véritablement à la diversité sociale et culturelle de la communauté
urbaine verviétoise et de développer un discours universaliste et inclusif au
sein duquel tout un chacun peut-être amené à se reconnaître à des degrés
divers, mais où se conjoignent plus ou moins avec succès le respect des
perspectives minoritaires et majoritaires.
Les candidats de
la communauté majoritaire, de par leur position au sein de la communauté/classe
dominante, n’ont jamais senti le besoin/la pression de développer de telles
compétences et de revoir leurs positions. Ils se sont contentés d’un discours
majoritaire ethnocentriste soutenant juste la diversité folklorique, aux marges
de la société, sans jamais en faire une question nodale de leur analyse et de
leur action politiques.
Bien moins
stupides et grégaires qu’on aimerait le faire croire, il n’est donc pas
étonnant que les électeurs ne s’y soient pas trompés : ils ont plébiscités
ces candidats de la diversité en particulier.
Au lieu de
chercher des excuses du côté du manque de respect envers les valeurs laïques
(nous y reviendrons plus tard) pour justifier sa défaite, le PS ferait mieux de
remercier ses candidats de la diversité pour lui avoir évité une bérézina de
première grandeur, même si le manque de lisibilité du PS sur la diversité au
cours des dernières semaines de la campagne en a sans aucun doute refroidi plus
d’un.
Les raisons –
entre autres – seraient plutôt à chercher selon moi sur l’incapacité des
candidats socialistes de la communauté majoritaire à sortir de leur propre
isolement communautariste blanc et à s’adresser à l’ensemble de la population
verviétoise, directement, sans avoir besoin de déléguer ce job aux seuls
« candidats de la diversité ». Et leur tirer dans le dos par la suite
s’ils font un excellent boulot, bien au-delà de leur communauté d’origine.
En conclusion, les
résultats de ces candidats de la diversité constituent un plaidoyer vibrant
pour le développement des compétences interculturelles pour toute la population
et ce, dès le plus jeune âge, en vue de pouvoir maîtriser la complexité
grandissante d’une société plurielle, libérale et démocratique – en particulier
au sein d’une micro « ville-monde » comme Verviers.
Espérons que le
prochain(e) échevin(e) de l’éducation en prendra bonne note, car cette question
dépasse largement les clivages politiques. Il s’agit de notre avenir à tous et
en particulier celui de nos enfants. Et ça cadre parfaitement dans les
compétences communales. Pas d’excuses pour l’inaction !
1 commentaire:
Cher Michael,
Merci pour ces deux articles, assez éclairants sur les enjeux politiques de la ville de Verviers.
Le contenu de cet article dépasse l'enjeu verviétois car il pose de manière générale la thématique de la diversité lors de la campagne électorale et lors de l'analyse des résultats.
Par ailleurs, merci de soulever également l'enjeu du communautarisme ou vote "blanc" (pas dans le sens de l'abstention ;-)) dont on parle très peu alors qu'il existe réellement.
Fatima
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