Une récente
enquête de BEL RTL révèle que la politique locale visant à réduire le
nombre de petits logements de +/- 30 m² menée par l’échevin MR Freddy Breuwer est en fait une véritable politique d’épuration des pauvres hors
de Verviers. Rien de moins – et de manière décomplexée.
Avant de venir au
fond de l’affaire, rappelons tout de même que si cette politique fut mise ne
place par l’échevin Breuwer dans le cadre d’une coalition où le PS était
majoritaire ! Bien sûr, on peut craindre qu’elle va probablement être
intensifiée maintenant qu’il a reçu son score personnel de 2700 voix aux
élections communales comme un plébiscite.
Détrompez-moi,
mais je n’ai pas entendu de cris d’orfraie à propos de cette politique au cours
des 6 dernières années. Maintenant que la nouvelle majorité Cdh-MR va prendre
les rennes de la gestion de la cité, l’affaire fait subitement surface. Il ne
faut y voir aucun calcul politicien, évidemment. C’est aussi crédible que les
propos du marchand de sommeil dans l’article précité qui se repeint en
entrepreneur social luttant contre la grande précarité. On croit rêver.
Ayant dit que
nous ne sommes pas dupes de l’effet d’annonce, il me paraît cependant indispensable
de démontrer l’ineptie d’une telle politique qui ne peut naître que d’un esprit
profondément déformé par le néo-libéralisme et la poursuite abjecte d’un
darwinisme social exacerbé.
Virer les
pauvres ? Les repousser vers la périphérie et les petites communes
avoisinantes en supprimant les petits logements pas chers ? Ce que
beaucoup ont rêvé, Freddy Breuwer l’a fait.
Sans vouloir
m’attarder sur le fait que M. Breuwer fait systématiquement un amalgame odieux
entre pauvreté et délinquance, force est de reconnaître que, comme le veut
l’adage, le Diable aime se parer des attributs de la vertu pour mieux arriver à
ses fins.
Tout le monde
acquiescera au fait qu’il est indigne de louer des logements trop petits et/ou
insalubres à des êtres humains, profitant qui plus est de leur situation
précaire et de l’inaccessibilité croissante du marché locatif privé de qualité
raisonnable aux personnes à faibles revenus. Ainsi que de l’inaccessibilité du
marché locatif social d’ailleurs, des logements manquant par centaines rien que
sur la commune verviétoise et ses environs.
Mais bien sûr, la
préoccupation du MR n’est nullement philanthropique ou charitable : il
s’agit seulement de repousser les pauvres en dehors du territoire de la commune
en engrangeant des bénéfices sur trois plans :
1)
Personnel :
M. Breuwer passe pour un « dur » sachant prendre les décisions qui
s’imposent auprès de son électorat. Ceux qu’ils virent ne votent pas pour
lui : que du bénef et pas de perte ! Le parfait pari politique. Et
cela lui assure bien entendu moult strapontins rémunérés : échevin, futur président du CPAS, etc., etc. Le malheur des uns fait toujours le bonheur des
autres.
2)
Local :
moins de pauvres sur le territoire de la ville, cela fait moins de dépenses
pour le CPAS. Avec la crise qui arrive, c’est toujours ça de gagné, mais à
court terme.
3)
Local
encore : les bourgeois blancs qui forment le gros de son électorat
pourront ENFIN retourner au centre-ville sans être confronté à la vue de la
misère grandissante causée par leur business quotidien ou la rentabilité de
leurs pensions par capitalisation. Je caricature à peine.
Et c’est là que
se révèle l’indigence de M. Breuwer et de ses semblables quant à leurs capacités
à penser une politique cohérente de la ville et des multiples
interactions/interdépendances entre ses différentes composantes. Une ville est
un collectif, un microcosme dont le point d’équilibre ne peut se trouver qu’en
tirant tout le monde vers le haut (économiquement, culturellement, socialement
– et spirituellement pour ceux que cela intéresserait) et non vers le bas. Car
le déclin arrive alors à (très) brève échéance.
En effet,
commençons par rappeler – une évidence – que ce ne sont pas les pauvres le
problème principal, mais le système économique qui les génère de par
l’injustice constitutive de son modèle de (non)répartition des richesses. Tant que
cela n’est pas réglé, le reste ne restera que vaste rigolade et foire
d’empoigne pour amuser la galerie.
Comme une ville a
peu de prise sur ces macro-problématiques, cela ne coûte rien de faire des
effets d’annonce sur la lutte contre les pauvres, pour cacher l’incapacité à
apporter une véritable solution de sortie de la crise.
Mais quand
même ! Une ville a cependant des moyens d’action à sa disposition pour au
moins mitiger l’impact de la crise et mieux répartir l’effort sur l’ensemble de
la population.
Dès lors que l’on
se dit progressiste – de droite comme de gauche – on admettra que le problème
n’est pas le nombre de petits logements accessibles aux pauvres, mais la
pénurie de logement (social) (de qualité).
La ville
pourrait, comme exemple de politique plus intégrée et cohérente, faire du logement de qualité une de ses priorités.
Bien sûr, c’est un investissement. Il pourrait prendre la forme de construction
de nouveaux logements sociaux (par exemple à Heusy, où il n’y a pas UN seul
logement social, si ce n’est en périphérie à Ensival et à Mangombroux. On
appréciera donc à leur juste valeur les déclarations de M. Breuwer qui
proposent de ventiler les pauvres sur les communes alentours, mais surtout pas
sur l’ancienne commune de Heusy où se situe une bonne partie de son électorat
petit/grand bourgeois).
Cet
investissement pourrait également prendre la forme de réhabilitation du bâti
existant sur le marché du logement privé, passation de contrats avec l’Agence
Immobilière Sociale… Bien sûr, tout devra se faire en fonction des normes de
protection environnementales actuelles.
Pourquoi pas des
maisons basse énergie d’ailleurs ? Il n’y a pas de raison que les
bénéficiaires d’un logement social soient condamnés à vivre dans des logements
mal isolés et de piètre qualité (ce qui est d’ailleurs anti-social et
anti-écologique vu la surconsommation d’énergie que cela implique ainsi que ses
coût pour des budgets familiaux serrés). Encore une rupture à consommer avec le
darwinisme social !
Etant donné qu’un
tel projet nécessitera de la main d’œuvre, la ville pourra ajouter des clauses dans
ses marchés publics sur l’obligation, pour les prestataires, d’employer des
gens dépendant du CPAS ou chômeurs domiciliés sur la commune. Dès lors, une
partie considérable de l’investissement public retournera directement dans les
caisses publiques, au travers du versement de salaires, dans la consommation,
dans les impôts et cotisations sociales, centimes additionnels… tout en
allégeant les lignes budgétaires relatives aux allocataires sociaux.
Comme un tel
projet de logement de qualité devra s’étaler sur plusieurs années, on peut
concevoir aisément que cela nécessitera le développement de certaines filières
de formation spécifiques. Développement supplémentaire d’emplois d’avenir.
Allons plus
loin : que penser d’une approche politique qui ne voit la présence de
pauvres sur un territoire urbain que comme un coût ? Même selon une
approche d’une rationalité purement économique, les allocataires sociaux à qui
la bonne société condescend à octroyer à peine de quoi garder la tête, que
dis-je, la pointe du nez hors de l’eau en flirtant avec le seuil de pauvreté
(rappelons 973€
en Belgique quand le revenu d’intégration pour un isolé n’atteint pas les 800€),
dépensent TOUT leur argent sur le territoire de la commune.
Ils
n’investissent pas leurs revenus dans des produits spéculatifs non
productifs ! 1000€ octroyés à un allocataire social, ce sont 1000€ dans
l’économie réelle en bout de course. Sur laquelle la ville elle-même perçoit
ses propres taxes. En d’autres mots, les allocataires sociaux ne sont pas qu’un
coût pour la société, ils participent activement à l’économie locale.
Bien sûr, ils ne
font pas que consommer ! Mais pour la concision de l’article, je ne ferai
qu’une allusion rapide à la valeur immatérielle qu’ils créent en matière de
lien social, d’investissement associatif… qui contribuent d’une façon discrète
mais efficace à maintenir une certaine élasticité du corps social pour
encaisser la crise. Je vous renvoie à l’excellent projet http://www.benevoles.tv/ pour des idées à
ce propos.
Poussons encore
le raisonnement plus loin : admettons même que le MR et consorts
parviennent à se décharger des allocataires sociaux et autres pauvres sur les
communes avoisinantes (Polleur, Theux, Jalhay, Olne ? on voit ça
d’ici !). Tout d’abord, elles seraient elles-mêmes confrontées à une
pénurie de logements puisqu’elles
n’ont jamais fait aucun effort pour en construire, et ce pour être sûres de ne
jamais attirer ce genre de public.
Or, le MR n’a eu
de cesse de répéter ad nauseam son
insistance sur la mise à l’emploi de tous ces allocataires (lire parasites sur leurs lèvres). Comme cela
ne repose sur aucune vision stratégique, il leur échappe que les allocataires
sociaux ont rarement des véhicules personnels dignes de ce nom et qu’ils sont
donc condamnés à dépendre des transports publics (c’est d’ailleurs pour cela
qu’ils ont d’ailleurs tendance à se rassembler dans les centres urbains
bénéficiant de tous les services de manière plus intégrée – les allocataires
sociaux aimant pourtant AUTANT la campagne que les autres segments de la
population).
Or, justement,
les transports publics sont catastrophiques de et vers ces communes alentours.
Les connections sont rarement optimales de telle sorte que aller de Jalhay pour
un rendez-vous à l’hôpital devient une odyssée. J’exagère à peine. Imaginons un
demandeur d’emploi résidant à Jalhay devant se rendre à une simple consultation
médicale, il en a pour sa journée s’il doit se contenter des transports en
commun. Idem s’il doit se rendre à l’ONEM, au FOREM, au CPAS ou à son syndicat.
On comprend tout de suite par de tels exemples que, pour le MR, l’employabilité des allocataires sociaux n’est qu’une vaste blague et que leur prétendue activation ne vise pas à faire en sorte qu’ils trouvent véritablement un job. Il s’agit au contraire d’une technique de harcèlement et de pression pure et simple pour leur faire sentir à chaque instant qu'ils seraient un poids pour la collectivité, car s’ils raisonnaient véritablement en termes d’emploi, ils ne proposeraient pas des solutions aussi stupides que l’éloignement d’une partie des allocataires sociaux du territoire de la commune où ils ont le plus de chance de trouver un emploi ou les moyens d’y parvenir.
On comprend tout de suite par de tels exemples que, pour le MR, l’employabilité des allocataires sociaux n’est qu’une vaste blague et que leur prétendue activation ne vise pas à faire en sorte qu’ils trouvent véritablement un job. Il s’agit au contraire d’une technique de harcèlement et de pression pure et simple pour leur faire sentir à chaque instant qu'ils seraient un poids pour la collectivité, car s’ils raisonnaient véritablement en termes d’emploi, ils ne proposeraient pas des solutions aussi stupides que l’éloignement d’une partie des allocataires sociaux du territoire de la commune où ils ont le plus de chance de trouver un emploi ou les moyens d’y parvenir.
Et je ne
mentionne même pas ici l’impact disproportionné de telles mesures sur les mères
célibataires, les problèmes de garde des enfants en cas de formation ou de
travail, les crèches étant quasi inexistantes ou offrant des plages horaires
incompatibles avec les horaires de parents eux-mêmes sans réseau familial ou de
solidarité. Je ne m’attarde pas non plus sur le fait que les bus de ces lignes ne
soient pas prévus pour les personnes avec un handicap moteur et autres
multiples désagréments d’une telle politique sans réflexion aucune.
En voulant
s’attaquer à une problématique réelle (les logements de mauvaise qualité
accessibles aux allocataires sociaux, le plus souvent bénéficiant du revenu
d’intégration), le MR démontre qu’il n’a aucune politique de la ville, aucune
compréhension du rôle même d’une ville, aucune politique de l’emploi au-delà du
harcèlement des allocataires sociaux, ni aucune politique du logement
cohérente.
Du vent, du vent,
du vent ! Mais du vent mauvais, nauséeux, chargé du ressentiment de ces
nantis envers celles et ceux à qui le destin a offert moins d’opportunités, de ces nantis
crispés sur leurs petits privilèges à qui l’idée même de partage est
insupportable.
Je le dis
clairement : moi, je suis prêt à payer plus d’impôts locaux pour autant
qu’ils soient investis dans des politiques inclusives visant à bâtir une cité
plus juste, plus égale, où l’écart entre riches et pauvres diminue. Pas le
contraire. Le problème n’est pas le taux d’imposition, mais ce que la société,
dans son ensemble, redistribue en termes de bien-être pour tous. Et ce n’est
manifestement pas le choix du MR et du Cdh pour les 6 prochaines années.
Vous
verrez, au bout du compte, avec une telle politique, dans 6 ans, Verviers sera
encore plus pauvre !