3) La question du militantisme
Depuis quelques
temps déjà, la question du militantisme des candidats de la diversité était
mise sur la table, en particulier au sein du PS (du local au national) et dans
une moindre mesure au sein d’Ecolo et du Cdh. Le landernau politique verviétois
n’a pas échappé à l’effet de mode et les résultats des élections communales de
ce dimanche n’ont pas manqué de redonner des couleurs à cette (fausse)
polémique.
Une fois encore,
le coup vient dans l’immense majorité des cas de la part de candidats (ou
représentants politiques) issus de la communauté majoritaire commençant à
s’inquiéter pour le renouvellement de leur(s) mandat(s) vu leurs scores personnels
en comparaison de certains candidats issus de la diversité. La peur du
déclassement – fût-il symbolique en l’occurrence – pousse à tous les coups bas.
Tout allait pour
le mieux dans le meilleur des mondes tant que les candidats de la diversité se
contentaient d’être des attrapes-voix communautaires, ramenant juste ce qu’il
fallait pour être bien vus, mais pas trop pour devenir des acteurs sérieux de
la scène politique locale ou nationale.
Et cela est
d’autant plus vrai que l’on assiste depuis une dizaine d’années à la montée de
candidats de la 2ème G, très à l’aise avec les différentes facettes
de leurs identités multiculturelles, éduqués dans les meilleures universités et
maîtrisant parfaitement les codes et usages de la société majoritaire. Et qui
veulent faire entendre leur voix, participer à la vie de leur formation
politique, y compris dans les instances de décisions internes en prenant appui sur
leur grande légitimité électorale, en opposition apparente avec les candidats
de la communauté majoritaire, militants de longue date au sein de leur parti,
mais aussi parfaits apparatchiks.
Très loin des
attrapes-voix de convenance de la 1ère G qui se contentaient d’un
strapontin communal ou parlementaire mais ne remettaient jamais en cause la
hiérarchie des pouvoirs au sein de leur parti, ces candidats de la 2ème
G chamboulent les habitudes et les plans de carrières politiques de quelques
uns qui espéraient que de longues années de collage d’affiche et d’intrigues
internes pour choisir le bon cheval dans le sillage duquel il suffirait de
s’inscrire pour être tiré vers les sommets, leur apporteraient la légitimité
nécessaire pour prétendre à un poste à responsabilité et ses prébendes de
toutes sortes.
On peut
comprendre que cela génère une certaine animosité et de grandes frustrations
d’égos.
Reste que l’on ne
peut indéfiniment avoir le beurre, l’argent du beurre et le sourire de la
crémière et qu’un rééquilibrage des pouvoirs doit avoir lieu au sein des
formations politiques.
Certes, le
militantisme dans son parti d’adhésion est très important, car il permet de
s’imprégner des valeurs véhiculées par telle ou telle formation. En particulier
à gauche. Mais la droite n’est pas très différente. On se souviendra de
l’animosité de M. Sarkozy qui avait commencé comme colleur d’affiche durant sa
jeunesse et s’était hissé à la force du poignet et de ses convictions au plus
haut niveau de l’UMP et de l’Etat et qui voyait d’un mauvais œil les parachutés
de dernière minute.
Et pourtant,
c’est à nouveau ici qu’il faut décaler le regard pour remarquer que cette
insistance sur l’impératif du militantisme ne concerne pas tout le monde :
pas les candidats d’ouverture médiatique (journalistes, sportifs…) ou autres
personnalités. On n’a jamais reproché à Francis Delperée, éminent
constitutionaliste et sénateur Cdh, de ne pas avoir été coller des affiches
avant de rallier tardivement le parti.
On entend très
peu (pour ne pas dire pas du tout) ce type de commentaires envers les candidats
noirs, albanais, polonais ou bulgares. Apparemment, seules certaines
communautés sont présentement visées par ce type de questionnement inquisiteur,
ne soyons pas dupes : les Méditerranéens occidentaux et orientaux très
spécifiquement.
Faudrait-il donc
y voir une nouvelle forme très euphémisée de discrimination envers certains
individus issus de ces communautés ?
En élargissant la
focale, il convient impérativement de s’interroger plus profondément sur la
notion de militance. Des gens comme Hassan Aydin, Abdeljalil El-Abbadi, Said Naji
pour le PS, mais encore Hajib el-Hajjaji pour Ecolo, et pour ne citer qu’eux, sont
des gens de terrain qui militent au sein de toutes sortes d’associations
culturelles, de jeunesse ou encore cultuelles depuis de nombreuses années, leur
donnant une connaissance en profondeur de la situation particulière de leurs
communautés d’origine, mais aussi des publics des différentes associations
majoritaires qu’ils côtoient aux travers de leurs activités transversales.
Leurs succès
électoraux ne peuvent s’expliquer autrement, surtout si l’on compare leurs
scores personnels à d’autres candidats de la diversité, inconnus au bataillon
des activistes de terrain (par exemple Bayram Kuz au Cdh qui ne doit son score
qu’à son métier de médecin, les illustres inconnus de la liste du MR (Ugur
Kandemir, Farjad Talukder), ou encore Aline Kitete au PS pour ne citer qu’eux).
La question
légitime qui doit être adressée aux partis politiques de tous bords consiste à
s’interroger sur la façon dont leurs structures politiques peuvent articuler –
sans récupérer – les engagements profondément militants de leurs
membres/candidats au sein de structures associatives non partisanes ? Et
reconnaître que ces gens ont sacrifié une bonne partie de leur vie personnelle,
au travers du volontariat, pour le développement et le bien-être de leurs
communautés d’origine (et, par voie de conséquence, pour le bien-être de
l’ensemble de la population). C’est un militantisme qui vaut bien plus, à mes
yeux en tous cas, que de tailler la bavette sur le trottoir du Floréal en se persuadant d’avoir changé le monde.
Car c’est aussi
là la force du PTB+ : un vrai travail de terrain, porte à porte, pour se
faire connaître et connaître les situations désespérées d’une bonne partie de
notre population. Un véritable militantisme que le PS a déserté depuis
longtemps, en particulier dans les « quartiers de la diversité » (ou,
plus prosaïquement, défavorisés), où ce sont les associations culturelles qui
ont été amenées à occuper le vide laissé par le délitement de l’encadrement
politique et social structuré de la part de partis comme le PS, ou le PC et le
PSC à l’époque, ainsi que de leurs organisations satellites, qui avaient
longtemps rempli ce rôle.
Il est dès lors
un peu fort de café de reprocher à certains candidats de la diversité un manque
de militance au sein de leur formation politique, alors qu’ils ont à leur
compteur beaucoup plus d’heures de militance et d’activisme que de nombreux « militants
traditionnels ».
Autre élément à
ajouter au tableau, qui me permettra de rebondir vers le dernier point de mon
analyse concernant la laïcité : la configuration particulière des partis
traditionnels en Belgique (PS, Cdh, MR et Ecolo) qui, en elle-même, peut être
un frein à un certain type de militantisme, tout en expliquant certaines
déconnections idéologiques et philosophiques.
Une autre
candidate PS de la diversité, Duygu Celik, qui avait elle-même mené une
campagne communautaire auprès des alévis de Verviers en particulier, s’est
fendue de reproches sur Facebook à l’encontre de « certains élus qui rouleraient en 4x4 mais
voileraient leurs femmes »,
ultime outrage à la laïcité.
On ne manquera
pas de faire remarquer à Mme Celik que son public cible électoral (les alévis
et les ultra-laïcards turcs de Verviers, tous respectables qu’ils fussent) est
une minorité au sein de la minorité. Ayant choisi son créneau, elle aurait dû
être plus raisonnable en matière d’attentes personnelles – bien qu’elle termine
avec un score tout à fait honorable de +/- 500 voix de préférences, en
progression par rapport à 2006. Cela lui aurait évité quelques aigreurs
d’estomac et l’aurait rendue plus lucide.
En effet, le
problème ce n’est pas tant que certains candidats socialistes aient une éthique
de vie plus conservatrice, c’est qu’il manque sur l’échiquier politique belge
une formation politique de gauche chrétienne ou confessionnelle qui permettrait
de faire le pont entre un progressisme social d’une part et un certain
conservatisme en matière d’éthique de vie personnelle/collective. Une formation
de gauche chrétienne qui se serait organisée autour d’un axe social fort auquel
s’ajouterait une dimension éthique particulière, mais qui serait différente et
indépendante du Cdh, organisé originellement, en tant que PSC, sur une base
confessionnelle qui rassemble des individus en provenance de l’ensemble du
spectre politique (et donc oscille entre la gauche modérée et la droite +/-
modérée en fonction des rapports de force internes au sein du parti).
Dès lors, une
telle formation fait particulièrement défaut, qui répondrait plus explicitement
aux besoins de nombreux musulmans pratiquant qui se sentent proches de la
gauche pour différentes raisons (conditions diasporiques, statut social…) sans
vouloir pour autant remiser dans un placard laïc leurs aspirations éthiques et
spirituelles.
Le Cdh a paru un
temps fournir cette ouverture, mais le déplacement croissant du centre de
gravité de ce parti vers la droite pourrait mettre cette dernière en danger. En
effet, le seul fait de partager quelques valeurs éthiques dans un parti qui
hésite toujours entre la revendication exclusiviste de ses racines chrétiennes
et un œcuménisme éthique sans véritable horizon ne suffit pas à compenser les
impératifs en matière de mobilité sociale et professionnelle rencontrés par de
très nombreux musulmans.
Quant aux PS et
Ecolo, ils ont toujours été considérés quelque part comme des havres de
substitution, faute de mieux, par les musulmans les plus impliqués dans la vie
de leur communauté, disons les pratiquants réguliers – soit 10% de la communauté
musulmane.
Pour l’immense
majorité, la question ne se pose même pas, ce qui démontre a contrario qu’avoir la foi, c’est bien, mais avoir à manger tous
les jours dans son assiette, c’est beaucoup mieux. Si l’on doit choisir entre
le respect intégral de ses convictions et être dans un désert politique, ou
mettre celles-ci de côté et s’investir pleinement dans le champ politique pour
changer sa situation, le choix est relativement vite fait.
Contrairement à
une certaine doxa, les musulmans sont donc tout à fait en mesure de faire une
césure entre politique et foi, entre leurs aspirations sociales,
professionnelles, en matière d’accès au logement, à l’éducation, à la santé,
aux services… et leurs aspirations spirituelles éventuelles. Mme Celik devrait
être rassurée quant à l’avenir. Nous traversons juste une phase de transition
et d’ajustement. Nul besoin de crier au loup.
L’absence de
l’hypothétique parti de gauche chrétienne que je mentionnais ci-dessus, s’est
révélée en vérité être une opportunité supplémentaire de sécularisation des communautés
musulmanes, amenant de facto leurs
candidats à « penser global » pour le bien de l’ensemble des
composantes de la communauté urbaine dans laquelle ils inscrivent leur action
politique.
Dès lors, la
question n’est pas de savoir si certains candidats voileraient leurs femmes ou
pas, mais si un jour la gauche fera sa révolution copernicienne et sera en
mesure d’articuler un véritable progressisme social, collectif et
universaliste, et la possibilité d’un certain conservatisme en matière d’éthique
individuelle ?
Pour des raisons
historiques évidentes, ces deux éléments ont toujours paru s’opposer, en
particulier au sein du PS ou de la gauche de la gauche. Mais dans un monde
globalisé transbahutant d’un point à l’autre de la planète des individus
porteurs de traditions et d’engagements politiques très différents, ayant
historiquement réussi d’autres formes de cristallisation idéologiques
sociales-conservatrices, les formations politiques traditionnelles n’auront
d’autre choix que de revoir leur copie et s’adapter si elles veulent parler à
ces nouveaux publics revendiquant une participation active au sein du champ
politique de leur lieu de résidence.
La question de la
militance des candidats de la diversité, telle qu’elle est posée aujourd’hui,
révèle en négatif les difficultés, pour ne pas dire l’indigence, des partis de
gauche à penser le progrès social, l’égalité, mais aussi la laïcité, au sein de
sociétés profondément plurielles – idéologiquement, culturellement,
théologiquement, socialement, politiquement. Le poids des traditions n’est pas
toujours là où on l’attendrait le plus.
4) La laïcité
Ce qui m’amène
donc à la question de la laïcité.
Petit rappel : la Belgique est certes un Etat laïc, mais pas un
Etat laïc à la française : la forme spécifique de laïcité belge se réalise
au travers d’un Etat neutre qui se veut à équidistance de toutes les religions.
L’Etat à cependant la possibilité de soutenir matériellement les religions
reconnues, et ce en vue de garantir activement la liberté de conscience, de
religion et de culte. C’est à ce titre d’ailleurs que la laïcité philosophique
et ses « Maisons de la laïcité » reçoivent un financement identique
aux religions officiellement reconnues. C’est au titre de cette neutralité également
que l’Abbé Daens pouvait siéger au Parlement en soutane (cela serait-il encore
possible aujourd’hui ?).
Petite précision : il est tout à fait légitime que des formations
politiques, des groupes de citoyens ou encore des associations soient en désaccord
avec le principe de neutralité tel qu’il est inscrit dans notre constitution et
choisissent de mener un combat politique pour que la laïcité belge se rapproche
de la laïcité française qui correspondrait mieux à leurs aspirations. C’est une
question éminemment délicate car elle touche en profondeur à l’organisation
même de l’Etat et à une tradition bicentenaire de gestion relativement
constructive et pragmatique du rapport entre Etat et Eglises/religions
reconnues.
Mais cela relève
tout à fait du débat politique et les citoyens devraient pouvoir se saisir de
cette question et en débattre. Symétriquement, il est absolument légitime de
vouloir conserver le modèle belge tel qu’il est sans apparaître comme un has
been ultraconservateur.
Ceci étant, je
crois que l’on peut affirmer sans crainte que les conditions d’un débat mûr et
informé sont très loin d’être en place quand on constate la confusion totale
qui règne au sein des élites politiques elles-mêmes, bien souvent incapables de
faire la différence entre neutralité, laïcité, sphère publique et sphère
privée, espace public et espace privé, visibilité du religieux dans l’espace et
la sphère publics…
Et je suis
d’autant plus méfiant quand le discours sur la laïcité est récupéré par
certains pour des objectifs bien moins avouables. Mme Le Pen, catholique
conservatrice, s’est repeinte en passionaria de la laïcité en particulier quand
il s’agit de dénoncer les cantines halal, le port du foulard ou la prière
musulmane sur l’espace public – mais ne s’est jamais prononcée (pas un
mot !) sur les comités anti-avortement qui obstruent l’espace public et
empêchent des femmes d’avoir accès à l’IVG pour des motifs religieux.
La laïcité
revendiquée soudainement par le MR verviétois (mais depuis plusieurs années par
l’inénarrable Daniel Bacquelaine &
co.) me paraît particulièrement suspecte, d’autant qu’elle se focalise
exclusivement sur les communautés musulmanes.
Test de
vérité : si le MR est sincère quant à ses revendications laïques, je lui
recommande de supprimer toutes subventions aux cultes par la ville de Verviers,
en particulier la dotation de 14 000€ par an attribuée à la Maison de la
laïcité à Verviers. La laïcité à la française, c’est la non intervention, y
compris financière, de l’Etat dans les affaires du culte. Cela fera des
économies pour les communes et, pour une fois, ce ne seront pas les musulmans
qui paieront la facture. Mais je suppose qu’il s’agit là d’un vœu pieux.
Autre élément, il
est particulièrement piquant que le MR, nouveau champion de la laïcité, porte
au pinacle un bourgmestre (M. Elsen), membre éminent du groupe parlementaire
Démocratie Chrétienne (DC).
Bien sûr, M.
Elsen ne porte pas de signe ostentatoire de son allégeance spirituelle, ni de
son appartenance à un groupe qui n’est certes pas un des plus progressistes au
sein du Cdh et dont un certains membres se sont systématiquement opposés à la
visibilité piétiste revendiquée par des musulmanes (la tête de liste Cdh à Schaerbeek refusant que Mme Özdemir siège en tant qu’échevine avec son
foulard ; affaires d’enseignantes souhaitant porter le voile à
Charleroi ; cas de Layla Azzouzi à Verviers…).
Cela fait un
fameux « track record » qui, bien entendu, n’a RIEN, mais strictement
RIEN, à voir avec les convictions religieuses des membres de Démocratie
Chrétienne.
La bonne
blague ! La superbe hypocrisie de cette laïcité de façade ! Pas de
signe extérieur, mais toute l’action politique est articulée en fonction d’une
éthique religieuse particulière. Je suppose que M. Breuwer va monter au créneau
pour dénoncer cet état de fait et demander à M. Elsen qu’il renonce à son
appartenance à Démocratie Chrétienne en tant que bourgmestre sensé représenter
l’ensemble des citoyens, moi y
compris.
Que l’on ne
déforme pas mes propos : un groupe comme DC est tout à fait légitime selon
moi car il représente un cluster particulier de la société qui a droit à sa
représentation politique. Le problème, c’est quand ça ce fait « en dessous
de la table », sans ostentation, l’air de ne pas y toucher, alors que
l’impact politique est réel.
C’est pour moi un
véritable problème de démocratie, d’honnêteté et de laïcité, car beaucoup de
gens ont élu M. Elsen sans connaître son appartenance à DC, un groupe
semi-public, ce qui dépasse largement le cadre des convictions personnelles
pour lesquelles le droit à la protection de la vie privée doit être défendu
sans concession. Mais quand on choisit de rejoindre un groupe parlementaire
organisé sur base confessionnelle, cela relève du domaine public et les
citoyens doivent être informés avant
de faire leur choix. M. Elsen ne l’a jamais mentionné dans ses campagnes
électorales.
Qui trompe
qui ? Une Layla Azzouzi qui choisit courageusement de porter le foulard et
d’afficher son affiliation religieuse avant les élections – espérant être sur
les listes à l’époque – pour ne pas tromper l’électeur et le laisser choisir en
âme et conscience ou un Marc Elsen qui fait profil bas sur son affiliation
religieuse et empêche par là-même que l’électeur fasse un choix informé ?
En vérité, je préfère quand on affiche la couleur
(foulard, croix, cravate rouge, pins de la morale laïque ou symboles
franc-maçons…). Au moins, on sait à qui on a affaire et si l’action publique
n’est pas neutre, au moins, on sait de quel côté il faudrait chercher le/la
responsable.
Quelle sera la
position laïque du MR sur la question ? M. Breuwer et M. Voisin, nous
attendons des actes!
En l’absence de
réaction, cela démontrera une fois de plus que la défense de la laïcité est à géométrie
variable et tend à épouser les contours d’un rejet de la visibilité de l’islam
dans l’espace/la sphère publics, voire à devenir le cache-sexe d’un racisme
anti-musulman.
Le débat au sein
du PS, poussé par Murielle Targnion, elle-même fragilisée par sa
« tôle » électorale tout en voulant assurer son leadership sur le PS
local alors qu’elle est loin de faire l’unanimité, risque de bien de déraper
sur des lignes similaires. D’autant qu’on sait que sont visés les supposés
musulmans de liste (Aydin, Naji, el-Abbadi).
Comme je l’ai dit
ci-dessus, la question de la laïcité est en soi une question éminemment
politique et le PS est en droit d’en faire un de ses chevaux de bataille si bon
lui semble, mais faire d’un prétendu relâchement des valeurs laïques au sein du
PS la cause de sa perte de +/- 7% de votes, c’est faire une grave erreur
d’analyse pour différentes raisons que nous avons mentionnées supra.
S’entêter dans
cette voie va d’avantage fragiliser la base électorale du PS, même si cela
galvanisera peut-être quelques militants. Le PS
de Verviers, c’est au mieux quelques centaines d’adhérents (sûrement moins,
les chiffres ne sont pas publics), ce ne sont pas eux qui font la victoire du
PS, mais le fait que le PS porte les revendications sociales d’une partie
importante de la population verviétoise qui réclame plus de justice sociale,
moins d’austérité, et surtout de pouvoir tendre vers un horizon un peu meilleur
que la dèche et le marasme grandissant dans laquelle s’enfonce la population
verviétoise du fait des conditions macro-économiques actuelles.
Tous les sondages
sur les préoccupations des électeurs en Europe démontrent que les priorités des
gens sont l’emploi, le logement, l’éducation, les soins de santé. Les questions
relatives à la laïcité (au travers de la lutte contre l’extrémisme) n’arrivent qu’en
22ème position des principales préoccupations des Belges.
Dans ce contexte,
le recentrage sur la laïcité au sein du PS apparaît surtout comme une diversion
de la part d’un leadership socialiste local qui n’a aucune vision cohérente
pour attaquer de front les problématiques mentionnées ci-dessus, car ces enjeux
sont éminemment liés au contexte national et européen sur lesquels les
sociaux-démocrates ont depuis longtemps abandonné toute velléités d’action.
Qu’attendre du
parti dont est issu un Premier Ministre qui a accepté de cornaquer un
gouvernement qui aura saigné les finances publiques de 13 milliards d’Euro (520
milliards de FB !!!) en 1 an pour respecter une règle d’or que
l’Allemagne elle-même n’a jamais respectée. Le plus gros effort financier
jamais fait par la Belgique et, bien sûr, payé essentiellement par les 99% les
moins riches. Dont un bon quart sont des électeurs du PS. Je dirais qu’il est
au contraire très étonnant que le PS n’ait pas perdu encore plus de
plumes !
Un recentrage sur
la laïcité pour faire quoi, au fait ? Exiger de MM. Aydin, Naji et
el-Abbadi qu’ils prêtent un serment laïc, qu’ils fassent leur fête laïque,
qu’ils promettent de venir à toutes les conférences de la Maison de la laïcité,
qu’ils ne se promènent plus en ville avec leurs femmes en foulard, qu’ils
mangent des sandwichs au jambon aux réunions de parti, qu’ils promettent d’être
gentils avec Mme Celik ? Comme d’habitude, ce genre de débat interne va
surtout servir à polariser les oppositions pour déboucher sur un pet de souris
et des mesures à deux francs six sous.
Au lieu de
s’enticher d’un recentrage nébuleux sur la laïcité, Mme Targnion ferait mieux
de recentrer le PS local sur les valeurs de progrès social et d’émancipation
individuelle et collective, ce qui passe par l’éducation, l’accès au soin de
santé, aux loisirs, à un logement décent et à un emploi de qualité et rémunéré
convenablement. Un vrai programme de gauche. Mais c’est bien plus difficile que
de se complaire dans un nombrilisme laïcisant.
5) Et pour la suite ?
En espérant que
le PS verviétois ne tombera pas dans une sombre période de futiles débats
internes, son rejet dans l’opposition n’est pas une mauvaise chose en vérité.
C’est l’occasion idéale pour développer avec Ecolo une vraie alternative à
gauche, d’autant qu’il est raisonnable de penser que la coalition MR-Cdh va
probablement glisser vers la droite plutôt que de se contenter du centre-droit.
D’autant que le Parti Populaire a récupéré non seulement le siège du FN, mais
aussi une bonne partie de ses positions politiques – légèrement euphémisées.
En effet, un pôle
de gauche fort à Verviers sera d’autant plus nécessaire que le programme du MR
est d’une vacuité intense au-delà des fanfaronnades sur la création d’emplois.
L’essentiel tourne autour de la politique sécuritaire et de la lutte contre la
fraude sociale (en clair : pourchasser les pauvres et foutre la paix aux
fraudeurs nantis).
En bref,
maintenant que le MR va diriger le CPAS, on peut s’attendre à une saignée à
blanc qui va frapper les plus fragilisés d’entre nous au travers d’une pléthore
d’exclusions du bénéfice des allocations sociales à la moindre occasion. Car,
objectivement, quels sont les moyens dont dispose la commune en matière de
création d’emplois ? Va-t-elle imposer au patron du futur centre
commercial d’embaucher un certain quota de Verviétois ? On demande à voir.
Avant l’été, le
MR national, notamment par Daniel Bacquelaine, avait répété à l’envi qu’il
fallait mettre le paquet sur les emplois et que cela impliquait impérativement
la lutte contre les discriminations. Depuis, le MR n’a rien proposé en ce sens.
Du vent, comme toujours (rendons lui justice, il n’est pas le seul sur cette
question).
Or le niveau
communal a pourtant des moyens d’action en la matière : la Ville pourrait
imposer des clauses de diversité pour toutes ses adjudications et marchés
publics. Une entreprise souhaitant rentrer une offre devrait impérativement
démontrer qu’elle a une véritable politique de diversité en interne, des PME
aux multinationales.
Paradis du
capitalisme et de la libre entreprise, la mairie conservatrice de Londres n’a
pourtant pas hésité à imposer cette pratique pour toutes les entreprises
prestataires des JO 2012. Pas de politique de diversité effective ?
Interdit de faire des offres. Des analyses sérieuses ont démontré que Londres
avait pu atteindre son succès et être prête à temps grâce à cette politique
volontariste envers les entreprises.
Le MR va-t-il
choisir de s’engager sur cette voie ? Chacun admettra que l'on puisse avoir des raisons d'en douter.
Le Cdh parviendra-t-il à rééquilibrer les risques de dérive négative et à développer des pistes de solutions crédibles qui ne soient stigmatisantes pour aucune des communautés qui composent l’ensemble de la communauté urbaine verviétoise ? L'opposition se montrera-t-elle à la hauteur des défis?
Le Cdh parviendra-t-il à rééquilibrer les risques de dérive négative et à développer des pistes de solutions crédibles qui ne soient stigmatisantes pour aucune des communautés qui composent l’ensemble de la communauté urbaine verviétoise ? L'opposition se montrera-t-elle à la hauteur des défis?
Rendez-vous d’ici
quelques mois pour les premiers bilans.
M. Privot