15.3.11

Verviers, Ville des mots : “Fermons les yeux, vivons heureux!”

On se souvient tous de la polémique qui a secoué le landernau politique, médiatique et communautaire verviétois il y a deux-trois semaines, à la suite des chiffres communiqués par la majorité communale PS-MR en matière de pauvreté et de présence des personnes d’origine étrangère dans notre commune.

Bien que la poussière ne soit pas encore tout à fait retombée, il est déjà évident que les appréciations respectives des différents partis politiques sont assez différentes quant à la réalité de la situation. Le PS se veut résolument optimiste, à savoir qu’à taille égale, Verviers n’est ni pire ni meilleure que des villes comme La Louvière ou Seraing – personnellement, je ne suis pas sûr qu’il faille s’en réjouir. Quant aux autres partis, y compris le MR qui s’est légèrement désolidarisé de sa communication initiale en compagnie du PS, ils jugent la situation beaucoup plus problématique et dénoncent le manque d’investissement dans le social et l’absence de vision cohérente de la majorité sur la manière d’aborder ces problèmes.

La situation est évidemment complexe et requiert une véritable stratégie de consensus, non partisane, alliant de manière complexe différents types d’outils et de politiques, à contre-courant de l’approche parcellaire, voire atomisée ou par saupoudrage qui règne en maître aujourd’hui. Sans parler de l’imbroglio institutionnel dans la répartition des compétences entre les niveaux locaux, provinciaux, régionaux et nationaux, chacun ayant ses intérêts et ses priorités respectives. Au-delà d’un même d’un programme électoral, il faut une véritable volonté de mettre tous les acteurs concernés autour de la table et de les faire collaborer ensemble, ce qui est loin d’être évident quand certains préfèrent faire passer leurs intérêts personnels, organisationnels ou partisans avant le bien collectif. Ce n’est bien entendu pas une raison pour baisser les bras, mais une façon de reconnaître que, quelle que sera l’équipe au pouvoir, la tâche sera très loin d’être aisée.

Tout cela pour dire qu’à la lumière de ce contexte, j’ai été particulièrement choqué par le slogan venu récemment s’afficher – pour ajouter l’infamie à l’insulte – sur le rond point des « Droits de l’Homme » (vous avez bien lu !) : « Fermons les yeux, vivons heureux ! ».

Quel programme !

· La pauvreté vous dérange ? Fermez les yeux, vivez heureux !

· Le racisme et les discriminations contre les personnes d’origine étrangère vous empêchent de dormir ? Fermez les yeux, vivez heureux !

· L’inégalité et les violences envers les femmes à tous les étages de la société vous enragent ? Fermez les yeux, vivez heureux !

· Les massacres et les violations des droits de l’homme en Lybie vous dégoûtent ? Fermez les yeux, vivez heureux !

· La liste pourrait s’allonger indéfiniment, mais fermez les yeux, vivez heureux !

Pour tout vous avouer, je ne sais pas s’il faut prendre ce slogan comme du second ou du troisième degré, comme du cynisme froid, ou tout simplement comme la preuve d’une stupidité sans bornes. Comment ne pas se rendre compte du poids de ces mots quand notre Ville les célèbre ? Fermez les yeux braves gens, restez dans la torpeur et la somnolence de l’ignorance pendant que nous violons en paix les droits des autres ! Avant de s’occuper des vôtres, bien sûr, mais chuuuut, fermez les yeux, vivez heureux ! Encore un peu…

A l’heure où se désagrègent les droits sociaux et où l’on ne doit qu’à nos querelles institutionnelles d’échapper à une attaque en règle contre ces droits dans l’espoir de s’attirer les bonnes grâces des agences de notation internationales, fermer les yeux ne constitue même plus une échappatoire bon marché vers un bonheur illusoire, mais un véritable attentat à notre dignité d’êtres humains.

Les Droits de l’Homme ne vivent que parce qu’ils sont portés par des femmes et des hommes debout, qui se lèvent – les yeux et le cœur grand ouverts – contre l’adversité, les inégalités, l’oppression, mais aussi l’oubli et les tentatives de diversion.

J’en appelle donc la Ville à remplacer ce slogan désastreux par le suivant : « Ouvrons les yeux, soyons heureux ! », ou toute autre meilleure formulation allant dans ce sens. C’est un minimum. Sur le rond point des Droits de l’Homme.

Michael Privot

1 commentaire:

Anonyme a dit…

Bonjour,

je pensais que seul le journaliste de La Meuse pour était passé à côté de l'ironie de la mise en scène...("Une invitation au rêve à travers un visuel remarquable [...]" http://www.lameuse.be/regions/verviers/2011-03-09/verviers-devient-la-ville-des-mots-2011-855708.shtml)

Sébastien

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